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Humour : Dans la peau d'un itinérant – Partie 2

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Comme je vous l'ai expliqué lors de ma dernière chronique, j’ai accidentellement donné 40 $ à un itinérant et pour le récupérer, il m’a lancé ce défi. J’ai accepté! Pourtant, ça fait 10 minutes que je suis assis sur la rue Saint-Jean à mendier et je le regrette déjà! Le ciment est froid à un point tel que j’ai le goût de m’asseoir sur le chien… C’est peu dire!

Ce qui m’a frappé en premier lieu, c’est l’indifférence des gens… Ça doit faire une cinquantaine de personnes qui passent devant moi depuis 15 minutes et lorsque je croise leur regard, ils font semblant d’avoir autre chose à regarder de plus intéressant. Comme si j’étais porteur d’une maladie mortellement transmissible par la vue. Je ne me sens pas bien! J’ai honte et pourtant, ce ne sont que des inconnus. Enfin, quelqu’un s’arrête à ma hauteur… ça va faire du bien! Eh bien non, il flatte le chien et part sans même me regarder! Des fois, j’aurais le goût de me lever et de crier : « Heille, je suis ici! Regardez-moi! », mais c’est peine perdue. Midi approche et mon verre pour récolter de la monnaie est aussi vide que mon estomac!

Cependant, cette sensation de faim n’est rien comparativement à mon impuissance devant l’urgence de nourrir ce chien. Cet être dont je suis responsable! Il me fixe d’un regard vide… Une routine qui ne semble pas l’ébranler. Une autre journée sur la Terre à attendre ce moment unique et exquis du lunch. Il est 15 h et de plus en plus de gens se retournent vers moi… probablement la faute des cris de mon estomac. J’ai vraiment le goût de laisser tomber l’expérience, les 40 $, de revenir à ma vie normale! Manger une bonne grosse poutine en ne pensant à rien. Surtout pas aux pauvres qui n’ont pas cette chance… comme nous le faisons tous dans le fond!

Le soleil se couche… j’ai 10 cents dans mon verre. Une seule personne a pensé à moi en sortant d’une SAQ et je n’ai même pas le souvenir de son visage! J’ai le goût de m’enterrer vivant tellement que j’ai honte de traîner cette vie humaine sans être capable de la nourrir, mais je n’ai même pas les moyens de m’acheter un sandwich, alors imaginez une pelle! Tout près du Paillard, il y a une poubelle. J’oublie qui je suis vraiment! Toute trace de fierté semble disparaître en même temps que mon âme. J’ai faim! Et je dois nourrir Bâtard… ce chien qui expulse beaucoup trop dans la journée comparativement à ce qu’il ingère! J’ai le nez dans la poubelle et je cherche comme un Indiana Jones à la recherche du Saint Graal! Un bout de pain, de l’espoir… n’importe quoi! Les gens passent de chaque côté de moi et je m’en fous royalement. Depuis ce matin, on me regarde comme si j'étais un animal sauvage. Eh bien ce soir, je vais agir de cette façon…

Au menu : un tiers de Big Mac avec quelques frites sèches, une chocolatine qui semble avoir été échappée par terre et une demi-bouteille d’eau que je partagerai avec mon compagnon. Un vrai festin qui nous réchauffera le cœur avant cette nuit froide de novembre…

« Heille, yé où Polo? C’est son spot ça! »

Tellement pas habitué d’avoir des contacts humains, je me retourne brusquement comme si je venais d’être agressé au couteau. Je lui explique mon histoire et il trouve ça bien drôle que son ami Polo soit bien au chaud dans ma maison. Il repart tout de suite. J’aimerais bien qu’il reste avec moi, mais il ne me fait visiblement pas confiance! Il est 21 h 30, j’ai tristement froid et je lance un dernier blitz afin de gagner assez d’argent pour me payer un bon café chaud. Cette fois, je parle aux gens… je demande sans aucune gêne! Quelqu’un me répond que je n’en ai pas besoin, que je suis loin d’être maigre… Un autre me dit « va travailler le pauvre! ».

J’en ai assez, je me couche bien à l’abri du vent. Impossible de coller le chien qui semble m’en vouloir pour cette journée infructueuse! Je le comprends un peu… même le sommeil ne veut pas de moi! J’ai froid, j’ai honte et tout ce que j’ai réussi à quêter, ce sont trois malheureuses heures de dodo!

Au matin, comme une intervention du Saint-Esprit, un homme s’arrête devant moi et me demande : « Salut! As-tu faim? » Sans hésitation, je réponds OUI! Il allait déjeuner avant de se rendre à la messe et avait décidé de faire une bonne action. Je dois l’avouer, j’avais très faim, mais j’ai quand même gardé un muffin pour Bâtard. Au-delà de la bouffe, savez-vous ce qui m’a fait le plus de bien? C’était de parler! Avoir de la compagnie humaine qui prenait le temps de m’écouter, de comprendre mes malheurs… J’ai passé trois heures à jaser avec lui! Cet homme qui venait de perdre la femme de sa vie trois mois plus tôt. Soudainement, j’ai oublié toutes mes difficultés… Soudainement, j’ai recommencé à apprécier la vie… à me rappeler que j’allais retrouver ces gens qui m’aiment et m’apprécient.

Vers 10 h 30, Daniel est arrivé avec un Polo souriant, mais qui s’ennuyait beaucoup de son Bâtard. Les 24 h étaient terminées! D’un geste brusque, il a sorti les 40 $ de sa poche et me les a remis en me disant : « Merci! » Non, tu n’as pas à me remercier… c’est moi qui devrais le faire! Je lui ai dit de garder l’argent et je lui ai fait la promesse de venir le voir le plus souvent possible pour aller dîner avec lui. Je lui dois bien ça! Parce que cette expérience m’a permis de comprendre une chose que l’on a oubliée avec toute cette vague des médias sociaux à portée de main : la solitude peut blesser… mais elle peut devenir mortelle si on y ajoute le jugement des autres!

En terminant, pour l’avoir vécu personnellement, j’aimerais vous demander une petite chose. En cette froide période, si vous croisez un sans-abri et que vous n’avez pas de monnaie sur vous, faites-lui un sourire! Ça va nourrir son âme, réchauffer son coeur et lui rappeler qu’il est comme vous… un être humain! Merci!

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