
À la base, un prix
Je ne m’attarde que rarement à l’aspect créatif d’une œuvre, mais ici, je pense que l’histoire derrière la création de ce livre vaut la peine d’être racontée. Au printemps 2008, Hachette Canada lançait un grand concours annuel pour les amateurs de bandes dessinées. En effet, les participants devaient produire une courte BD. Chaque année, il y avait de nouveaux thèmes. Les gagnants pouvaient voir leur histoire publiée dans un album. En 2012, le concours avait comme sujet les forêts et les bûcherons.
L’album de la dernière édition du concours vient de paraitre chez Glénat Québec. Il regroupe les six meilleures histoires :
· 1er prix : Iris au scénario et au dessin : La nuit la plus froide
· 2e prix : Antoine Joie au scénario et Franck Castel au dessin : Le Cyber-castor
· 3e prix : Aurélien Galvan au scénario et au dessin : L’héritage
· 4e prix : Isabelle Mélançon au scénario et au dessin : Du bois pour le feu
· 5e prix : Richard Vallerand au scénario et au dessin : L’arbre à Murphy
· 6e prix : Philippe Girard au scénario et au dessin : La musique de la forêt
Plusieurs styles différents
Chaque histoire évolue sur presque une dizaine de pages. Chacune met en scène un bûcheron ou un homme qui a à cœur la protection de la forêt et de l’environnement. Même si pour plusieurs, l’emploi de bûcheron n’est pas le métier le plus cool au monde, tous les auteurs ont réussi à créer des histoires prenantes et originales, mélangeant admirablement la science-fiction et le fantastique.
La plupart des histoires se déroulent dans la forêt, mais il y a quelques petites exceptions comme Le Cyber-castor. Celle-ci met en scène, dans un monde futuriste, un bûcheron-ninja qui tente de déjouer les plans du gouvernement et des entreprises qui, au nom du progrès, se soucient peu des habitats naturels. J’ai également bien aimé les références à la nourriture québécoise comme les « fèves O’lard ».
Certaines vont même jusqu’à nous émouvoir comme L’héritage, qui propose une belle morale sur le matérialisme et les relations humaines, ainsi que sur le temps qui passe. Bref, c’est un beau récit sur le sort des aînés qui vivent seuls et qui ne voient leurs enfants et petits-enfants que trop peu souvent.
Il y a aussi un peu de passion comme dans Du bois pour le feu, qui raconte l’histoire d’un bûcheron faisant tout pour tenter de réchauffer sa douce qui a toujours froid. C’est vrai que c’est romantique, mais Isabelle Mélançon ne fait pas l’erreur de tomber dans le mélodramatique. Au final, du point de vue du scénario, cette fable trône au sommet de Forêts et Bûcherons.
L’arbre à Murphy est à mon sens l’histoire la plus grandiose des six. Bien qu’ayant mis en scène beaucoup de personnages dans une si courte histoire, le récit de Richard Vallerand demeure compréhensible. C’est même surprenant de voir une BD de seulement quelques planches traiter d’autant de sujets (colère, racisme, etc.) sans se perdre. Je lui lève mon chapeau!
Sous son allure enfantine, La musique de la forêt cache une œuvre très mature. Elle évoque le difficile combat entre la nécessité pour chaque homme de travailler et la protection de l’environnement. Jusqu’à quel point un travail est-il nécessaire? Doit-on sacrifier toute une forêt pour ramener de la nourriture à sa famille, pendant quelques jours?
J’ai de la difficulté à dire laquelle des histoires j’ai le plus appréciée. Elles sont toutes d’un très haut calibre. Je dois toutefois avouer que j’ai eu un faible pour La nuit la plus froide. Dans cet album, Iris propose un conte rempli de mystère, qui a le mérite de nous toucher et de nous faire réfléchir sur nos actes. À la lecture de ce petit chef-d’œuvre, je comprends encore mieux pourquoi elle fait partie de mes dessinatrices et scénaristes québécoises favorites.
Ce n’est pas parce que les histoires ne sont pas longues que les dessinateurs ne se sont pas forcés. Bien au contraire, chacune d’entre elles, bien que possédant un style différent, est un vrai petit bijou visuellement. Chaque case a bénéficié d’un travail exemplaire. Il est d’ailleurs intéressant de pouvoir comparer le style des différents artistes.
Verdict
Nul besoin de travailler dans la foresterie ou de défendre l’environnement pour apprécier Forêts et Bûcherons. L’album de Glénat Québec se classe parmi les meilleurs du genre. Chacune des histoires est de haut niveau, tant du point de vue du scénario que des dessins. Bref, c’est une bande dessinée à avoir si vous vous intéressez le moindrement à la culture de chez nous.
Cote : 4 étoiles sur 5
Forêts et Bûcherons
48 pages
Glénat Québec
19,95 $
Pour plus de renseignements, consultez le site de Hachette Canada.
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