Il y a 45 ans, le peintre Andy Warhol avait déclaré qu’un jour tout le monde aurait ses 15 minutes de gloire. Ce qui, en 1968, semblait être les paroles d’un artiste excentrique, aujourd’hui, on constate avec l’avènement de la télé réalité, d’internet et de la technologie numérique, que les prédictions du peintre se sont presque réalisées. Dire qu’au moment ou Warhol prononçait ces paroles, les gens s’habillaient encore de façon chic pour regarder tous ensemble leurs émissions préférées sur le téléviseur familial situé au salon.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, c’est un Québécois, et même un Trifluvien, qui a été le premier a vraiment y goûter en 2003, et ce, bien malgré lui. Le tout, grâce au pouvoir infini du câble. Son nom est Ghyslain Raza. Il y a 10 ans, alors qu’il était âgé de 14 ans, cet enfant à lunettes et au physique ingrat faisait sensation à travers le monde. Dans la vidéo appelée Star Wars Kid, on le voyait seul, devant la caméra, imitant maladroitement la scène de combat au sabre laser du personnage de Darth Maul du film Star Wars – The Phantom Menace.
Cette séquence de 1:48 minutes avait été tournée dans le studio du réalisateur Denis Villeneuve situé, à l’époque, dans le séminaire St-Joseph à Trois-Rivières. Elle avait été mise en ligne, non pas par Ghyslain Raza, mais plutôt par ses camarades de classe qui l’avaient trouvée sur une cassette oubliée et l’avaient téléchargée sur le web pour se moquer de lui. On estime aujourd’hui que plus d’un milliard de personnes sur la planète a vu Star Wars Kid. Même les sérieux New York Times, CBS News et la BBC de Londres en avaient parlé.
Devenant la risée du monde entier et victime d’intimidation à l’échelle planétaire, Ghyslain Raza avait été obligé de changer d’école, avait souffert d’une grave dépression et avait même dû suivre une thérapie. (Lire article de Gabriel Delisle – Le Nouvelliste)
C’est qui l’cave?
Si beaucoup de ces vedettes de la moquerie le deviennent contre leur gré, un nombre grandissant le fait sciemment en regardant directement l’objectif et en s’adressant à nous, leur public. Avec l’aide de leurs webcams, téléphones, tablettes ou caméras numériques, ces Wanna Be du net montrent, font et disent des choses qui vont de l’amusant à l’ahurissant. Pas besoin d’aller bien loin pour les trouver. Au Québec, nous avons nos propres stars: Johnny Crying, Matthieu Bonin, Gab Roy et plusieurs autres.
Si la plupart le fait clairement pour s’amuser, d’autres n’ont plus toute leur tête et disposent, malheureusement, d’un portable et d’une connexion internet. L’an dernier, Pat Mondoux a atteint le paroxysme de l’idiotie en mettant en ligne une vidéo où il mettait de la cocaïne dans son sandwich au Nutella. Quelques mois plus tard, visiblement dans un état second, une autre vidéo avait été mise en ligne où on pouvait le voir au volant de son auto en direction de la SAAQ, défiant toutes les lois et les règles de la société. Heureusement, grâce à cette dernière, il a été retracé et a écopé d’une amende de 365 $ qui lui a valu 9 points d’inaptitude pour avoir nargué les policiers.
La plus récente vedette du genre est nulle autre de Guylaine Gagnon. En quelques mois, sa chaîne You Tube « LaVraieGuylaineGagnon » totalisait déjà plus de 5 000 abonnés et près d’un demi-million de vues. Du Winners, en passant par La Ronde, jusqu’au fin fond de son appartement miteux, elle vous montre tout de sa vie allant même jusqu’à montrer ses seins surdimensionnés si vous avez 18 ans et plus.
Souvent très intoxiquée, elle fait part, épisodiquement, et ce, dans un langage qui laisse à désirer, de ses états d’âme et réflexions qui vont des abeilles en Alaska jusqu’aux Télétubbies, qui selon elle (et un enfant dans un terrain de jeux), sont démoniaques. Malaise! On rit parfois, mais on rit jaune souvent.
Les « vidiots » du web
Mon problème avec ses vidéos n’est pas qu’elles existent, mais bien qu’elles deviennent virales à cause de nous. J’aurais aimé ne parler qu’au « vous », mais je dois m’inclure dans ceux qui regardent ces « vidiots » (contraction des mots « vidéos » » et « idiots »).
En cliquant sur le bouton de ma souris, la touche Enter de mon clavier ou la flèche au centre dans mon écran tactile, je nourris moi aussi ces monstres assoiffés d’attention et prêts à tout pour connaître la gloire, aussi éphémère soit-elle. Que nous les regardions est une chose, mais que nous les partagions en est une autre. Qu’est-ce qui nous pousse à le faire? Notre voyeurisme? Le besoin rire? Où est-ce peut-être (et ce serait encore plus grave), notre propension à rire des autres, même des plus faibles et démunis?
N’oublions pas que certaines vidéos sont clairement faites par des déséquilibrés, des désadaptés ou carrément des malades mentaux. Serions-nous tous devenus, d’une certaine façon, des cybers intimidateurs comme ces garçons qui avaient mise en ligne la vidéo de Star Wars Kid? Et si c’était votre mère, votre sœur, votre frère ou votre enfant sur cette vidéo, cliqueriez-vous sur le bouton partager?
Tasse-toi mon oncle...
Je sais que mes propos ne feront pas l’unanimité et mon but n’est pas de la faire, même que certains m’accuseront sûrement d’être moi-même un vecteur de popularité de ses « vidiots ». Si vous regardez attentivement mes hyperliens dans ce texte, vous réaliserez qu’aucun d’eux ne mène vers les vidéos que je déplore (Star Wars Kid, Pat Mondoux et Guylaine Gagnon). Maintenant, je vous mets au défi de cliquer sur les boutons Twitter ou Facebook situé en haut et en bas de mon article pour le partager à vos amis et contacts.