Hier soir, dans un café dont je ne mentionnerai pas le nom (mais l’adresse, c’est 8743 Wellington pis les beignes sont écœurants), j’ai rencontré mon contact à la commission Charbonneau. Non, je ne suis pas devenu chroniqueur judiciaire, c’est la justice qui est venue à moi. Plus tôt dans la journée, une femme (que nous appellerons Cécile ou Colette, mais surtout pas Céline) me téléphone.
– Monsieur Corboz, je m’appelle Cécile ou Colette, mais surtout pas Céline. Je m’occupe des refills de café à la commission Charbonneau et je veux vous rencontrer.
– Ça me flatte beaucoup et votre boulot a l’air super, mais vous êtes loin d’être la seule pis j’ai une femme et des enfants. Désolé.
– Vous ne comprenez pas, j’ai besoin de vous voir.
– Je l’ai déjà entendue celle-là. Vous brûlez d’un feu que seul moi peux éteindre, bla bla bla, je suis l’homme de vos rêves et…
– Je peux faire couler Gary Bettman et terminer ce lock-out.
– … Ce soir, café La pâtissière qui tousse, 21 h.
Nous voilà donc dans l’établissement appartenant à une vieille dame asthmatique de 76 ans et sa fille fumeuse de Gitanes. Mon contact s’installe, l’air nerveux. De mon côté, je tente désespérément de faire un lien entre la commission et le commissaire en terminant un dessin sur ma napkin.
– Ce que je vais vous dire, commence la trentenaire facilement reconnaissable par son grain de beauté sous l’œil droit et ses mèches rousses, a été frappé d’un ordre de non-publication en vigueur jusqu’en 3085.
– Je m’en fous. La vérité doit sortir… mais bon, si c’est trop dangereux, là, j’vais laisser faire. Allez-y.
– Mardi, j’étais en train de mettre du sucre dans le café de M. Zambito, quand il a dit que Gary Bettman se prenait une cote de 5 % dans tous les contrats liés à la construction du nouvel amphithéâtre.
Pas besoin de vous dire que je lui ai craché mon café dans le visage de surprise. C’était le scoop de la décennie. Avec ça, je pouvais faire tomber Call Me Gary en bas de ses souliers luisants à 700 piasses le lacet. Je n’avais aucunement besoin de vérifier la véracité de la chose, j’ai assez d’expérience pour savoir quand faire confiance à une personne louche et un peu sourde que je ne connais pas du tout. À ce moment, je savais que ma vie venait de changer. En publiant ça, j’allais assurément gagner le Pulitzer, devenir une vedette, en plus de remporter un prix Nobel de journalisme créé juste pour moi. En cachant mon enthousiasme le plus possible (j’ai seulement commandé du champagne pour tout le monde et me suis fait tatouer « OH! YEAH! » sur les jointures. C’est tout.), je l’ai laissé continuer.
– M. Zambito a dit aussi que le commissaire faisait exprès pour laisser miroiter à plein d’acheteurs potentiels qu’ils auront une équipe s’ils construisent un nouvel aréna. La même chose est en train de se produire à Seattle, où le projet d’amphithéâtre multifonction vient d’être approuvé, puis à Markham, où un projet de nouvel aréna est en cours d’étude, et à Edmonton, où le proprio Katz menace tout le monde et son frère de déménager si les Oilers n’ont pas de nouveau domicile!
– Donc, voilà pourquoi Bettman a à peine regardé les contre-offres des joueurs avant de les rejeter! Il veut faire durer le conflit encore et encore pour placer plus d’équipes « dans le trouble » afin qu’elles soient dans l’obligation de déménager pour ensuite faire construire des arénas dans d’autres villes et ainsi faire encore plus d’argent au noir!
– Exactement!
Là-dessus, nous terminons la conversation. De retour chez moi, je me suis empressé d’avertir l’Association des joueurs des plans machiavéliques de « Monsieur 5 % » et contacté la GRC, le FBI, Interpol, l’OTAN et deux ex-KGB. Bon, il était 2 heures du matin, mais je crois qu’ils ont compris mes allégations avant de me raccrocher la ligne au nez. Célébrez, mes amis! Le lock-out sera terminé sous peu… grâce à moi.