Nous avons récemment pu constater, à la commission Charbonneau, le modus operandi de la firme avec les partis politiques. Les dirigeants demandaient en fait à leurs employés de faire un don en chèque au nom d’un parti politique et la direction de SNC-Lavalin les remboursait comptant par la suite, leur permettant de tirer des déductions fiscales associées aux donations, tout en n’ayant pas à payer eux-mêmes cette contribution. Cette manœuvre voyait à ce que les gouvernements en place prévoient des contrats pour la firme québécoise. Selon les données de la commission, SNC-Lavalin aurait donné plus d’un million de dollars aux partis politiques entre 1998 et 2010. Un avocat de la ville de Montréal a estimé à 6,7 millions le bénéfice monétaire lié aux activités de corruption de l’entreprise (par le biais de contrats obtenus auprès de la ville de Montréal).
Si la question éthique est soulevée dans des cas comme le précédent, nous atteignons un autre niveau lorsque nous nous attardons aux scandales qui ont éclaboussé la firme à l’échelle mondiale. Prenons par exemple la situation en Libye, où l’entreprise est liée à l’ex-dictateur Moammar Gadhafi. Elle aurait payé plus de 160 millions de dollars à son fils, Saadi, afin d’obtenir des contrats dans le pays. Par ailleurs, l’entreprise aurait eu recours à des paradis fiscaux, notamment les British Virgin Islands, pour transférer ces sommes monétaires. Il y aurait d’ailleurs été question de pots-de-vin alors que l’entreprise aurait acheté un yacht privé au fils de l’ex-dictateur libyen. La firme a rejeté le blâme de cette activité frauduleuse sur l’un de ses vice-présidents, Ben Aissa.
Au Bangladesh, l’entreprise serait vraisemblablement liée à une conspiration criminelle, selon la Banque mondiale, alors que SNC-Lavalin aurait remis des pots-de-vin à six membres influents du gouvernement bangladais en vue de l’obtention d’un important contrat de construction d’un pont.
Plus près de chez nous, la firme aurait déployé plus de 22 millions de dollars afin d’influencer l’attribution de contrats en vue de la modernisation du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). L’enquête menée par l’Unité permanente anticorruption (UPAC) aura permis de lancer un mandat d’arrestation contre l’ex-patron de SNC-Lavalin, Pierre Duhaime, qui serait impliqué dans cette fraude en approuvant des paiements frauduleux. L’entreprise l’avait cependant laissé quitter ses fonctions avec un arrangement de départ de l’ordre de 4,9 millions de dollars, décision sur laquelle l’entreprise est revenue, en décembre dernier, en affirmant qu’elle suspendrait son salaire en raison de nouveaux détails disponibles aux membres du conseil de l’entreprise.
À l’heure actuelle, la firme d’ingénierie se voit écartée de plusieurs projets dans le monde. C’est le cas de la Banque mondiale, qui a récemment bannit la firme d’ingénierie québécoise pour une période de 10 ans. SNC-Lavalin et ses filiales ne pourront pas soumissionner ni participer à quelconque projet financé par la Banque mondiale. L’Agence canadienne de développement international a suivi en bannissant SNC-Lavalin de ses projets pour les 10 prochaines années également. Ces sanctions devraient être lourdes de conséquences pour l’entreprise, alors que l’ACDI, à elle seule, a accordé plus de 115 millions de dollars à l’entreprise québécoise depuis 2002. Avec la récente décision de la ville de Montréal de suspendre la firme Dessau des appels d’offres en raison des aveux recensés par la commission Charbonneau, il ne serait pas surprenant d’entendre le nom de SNC-Lavalin sortir de la bouche du maire Applebaum prochainement.
Bien que l’entreprise ait réagi de diverses façons, notamment en engageant un spécialiste de l’éthique entrepreneuriale, de campagnes publicitaires afin de rassurer ses fournisseurs, ses clients et le grand public ou encore le renvoi d’employés impliqués dans ces scandales, il n’est reste pas moins que le nom du fleuron québécois s’est vu grandement entaché, non pas seulement par la fréquences des scandales qui l’ont secoué depuis plusieurs années, mais aussi par la nature des activités pour lesquelles l’entreprise s’est fait coincer. Dans une ère où les gens sont de plus en plus éduqués et ont de plus en plus rapidement accès à l’information, les entreprises ne peuvent pas se permettre de gérer leurs activités d’une manière cavalière régie par le slogan « la fin justifie les moyens », tout en prônant des valeurs entrepreneuriales complètement opposées. Parce que la question se pose comme société, nous sommes fiers de nos fleurons québécois. Mais à quel prix?
Sources :
http://business.financialpost.com/2012/05/03/snc-lavalin-warns-of-more-fallout-from-corruption-investigations/
http://www2.macleans.ca/2012/03/13/friends-in-low-places-2/
http://argent.canoe.ca/nouvelles/affaires/specialiste-ethique-aide-snc-lavalin-22022013
http://affaires.lapresse.ca/economie/201203/27/01-4509658-snc-lavalin-des-revelations-accablantes.php
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2013/03/14/005-yves-cadotte-snc-lavalin.shtml
http://quebec.huffingtonpost.ca/2012/12/13/snc-lavalin-cesse-de-payer-les-indemnites-de-depart-de-pierre-duhaime_n_2292162.html
http://www.lesaffaires.com/secteurs-d-activite/services-professionnels/corruption–le-bangladesh-ecarte-les-presumes-complices-de-snc-lavalin/549123
http://www.cbc.ca/news/business/story/2013/01/25/business-snc-lavalin.html