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Les hommes et leur pudeur émotive

Nature et culture

Le problème n'est pas que les hommes ne vivent pas d'émotions; c'est que, pour des raisons ataviques, neurologiques et sociologiques, il leur est plus difficile d'identifier leurs émotions et de les mettre en mots. Ils ont plutôt tendance à les agir : l'homme triste se tait et se retire; l'homme désespéré se suicide.
 
Pour survivre à l'époque des cavernes, l'homme se devait d'être sans peur et ne devait pas se laisser envahir par ses émotions. Encore aujourd'hui, on apprend aux jeunes garçons à contrôler leurs émotions, à être logiques et raisonnables, à se « tenir tranquilles » (parfois même avec du Ritalin®). Ressentir une émotion est considéré comme un signe de faiblesse pour l'homme. Pour la femme, exprimer ses émotions à quelqu'un qui l'écoute est la meilleure stratégie pour en diminuer l'intensité et devenir aimante.

Des réactions différentes

Dans son « laboratoire de l'amour », Gottman[i] demandait à un couple de discuter d'un problème insoluble. Il a constaté une augmentation du niveau de stress tant chez l'homme que chez la femme, mais plus rapidement chez l'homme : accélération du rythme cardiaque, augmentation de la tension artérielle, contractions musculaires, sécrétion d'adrénaline, production de vasopressine (homme) et de cortisol (femme)…
 
L'homme cherche alors à fuir la situation stressante de différentes manières : en fermant les yeux, en montant le ton, en s'enfermant dans le silence, en sortant de la pièce. La tendance de la femme la pousse à chercher du soutien de la part de son partenaire, car pour elle, c'est la rupture de la relation qui provoque l'apparition de ces mêmes symptômes. C'est pourquoi elle insiste pour parler du problème.

Demander à un homme ce qu'il ressent est l'équivalent de demander le poids d'une femme. L'homme a une pudeur émotive là où la femme possède une pudeur corporelle. Ni l'une, ni l'autre n'est névrosé pour autant.

Un cercle vicieux

Plus l'homme se referme et s'éloigne pour retrouver la paix, plus la femme se sent trahie, blessée, rejetée. Plus elle cherchera à maintenir la relation et voudra résoudre le conflit par la parole, plus le niveau de stress augmentera chez l'homme. Plus il fuit, plus la femme cherche à le retenir. Inconsciemment, malgré leur amour et leur bonne foi, les deux participent de façon complémentaire à l'escalade.
 
La femme ressent le besoin d'exprimer ce qui ne va pas, croyant ainsi améliorer la relation et la compréhension; l'homme reçoit cette communication comme l'expression d'un problème à résoudre ou, pire, comme un reproche ou une attaque. Le cercle vicieux se met en marche : elle l'accuse de ne pas vouloir communiquer, ce qui le pousse à fuir et, plus il fuit, plus elle est frustrée et le critique.

Sortir de l'escalade

La femme doit accepter la difficulté de son partenaire à exprimer ses émotions et sa tendance au retrait. L'homme doit comprendre que lorsque sa femme lui exprime des doléances, c'est par amour qu'elle le fait et pour améliorer leur relation, non pour l'attaquer ou le dévaloriser. La femme se sent aimée lorsque son mari lui exprime de la tendresse par des paroles; l'homme éprouve le même sentiment lorsque sa femme le valorise et fait quelque chose de concret pour lui.


[i] Gottman, John et Nan Silver. Les couples heureux ont leurs secrets, Les 7 lois de la réussite, Paris, J. C. Lattès, 1999.

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