Malgré les apparences, les hommes ne sont pas moins sensibles. Ils préfèrent moins montrer ce côté de leur personnalité, voire laisser croire qu’ils ne sont pas touchés par les évènements et les misères de la vie. C’est une manière de nier leur sensibilité intérieure. J’ai eu le privilège d’entendre de nombreuses confidences de ces hommes apparemment inaccessibles et endurcis qui osaient dévoiler le fond de leur cœur.
Un père me raconte le décès de son jeune fils de 20 ans par suicide il y a trois mois. Il semblerait que son fils se soit enlevé la vie à cause d’une histoire amoureuse qui a mal tourné. Le père se sent extrêmement coupable de ne pas avoir décelé la grande détresse de son fils. Cet homme, ce père anéanti, n’a pas voulu montrer son immense tristesse et son désespoir devant ce drame. Il fallait qu’il tienne le coup, qu’il soit fort et solide pour aider la mère ainsi que son autre jeune fils et sa sœur à traverser cette épreuve.
Lorsqu’il a pu exprimer toute sa peine et sa colère devant cette horreur et cette injustice de la vie, j’ai pu mesurer son immense blessure, sa vulnérabilité et sa détresse : enfin, il pouvait exprimer sans retenue tout ce qu’il ressentait, sans crainte d’être perçu comme quelqu’un de faible. Un cri déchirant de tristesse, de souffrance, de peur face à la vie future. Comment pourrait-il surmonter cette perte et ce manque pour le reste de sa vie?
J’étais chaque fois fortement ébranlé et touché que cet homme vienne m’exprimer sa douleur et son désespoir. Même en état de crise intérieure, il continuait à offrir son aide, son soutien aux autres membres de la famille. Il réconfortait tout le monde. Malgré son courage, au fond de lui une immense blessure s’était ouverte. Il doutait que cette plaie puisse un jour se refermer.
À la suite de ce drame, reconnaître sa sensibilité et exprimer ce qu’il ressent est devenu pour lui une nécessité…