Éric Daudelin, un homme de 37 ans au lourd passé judiciaire, a été formellement accusé cette semaine du meurtre de la jeune Joleil Campeau, 9 ans au moment des faits. Survenu en 1996, cet homicide a finalement été élucidé 15 ans plus tard grâce à des techniques d’analyse de l’ADN qui n’étaient pas disponibles à l’époque.
Comme tout meurtre crapuleux qui, de surcroît, font de jeunes victimes, cette cause a soulevé l’ire collective. Lors de sa compuration, Daudelin a été injurié par plusieurs individus tout en demeurant de glace. Certains ont aussi remis en question la décision d’avoir remis cet homme en liberté dans les années 90. En effet, déjà condamné à deux reprises pour des crimes de nature sexuelle, Daudelin avait été catégorisé comme étant à haut risque de récidive par la Commission nationale des libertés conditionnelles (CNLC). Bien qu’il soit facile de faire le procès de la Commission, il faut savoir que les autorités ont gardé Daudelin derrière les barreaux pour la durée la plus longue permise par la loi.
Non, Daudelin n’aurait pas dû être en liberté, je suis d’accord, mais à l’époque, on l’a gardé incarcéré aussi longtemps qu’on a pu. Là où un point me dérange est lorsque certaines personnes affirment que Daudelin aurait dû être déclaré délinquant dangereux afin de prévenir le meurtre de la jeune Joleil. Selon eux, puisqu’il avait déjà commis des crimes de nature sexuelle sur des mineures et qu’il était à haut risque de récidive, on aurait dû le déclarer délinquant dangereux et ainsi le garder en prison. Cela aurait permis d’éviter que la petite Joleil ne soit assassinée. Cependant, légalement et antérieurement au meurtre, Daudelin ne pouvait pas être déclaré délinquant dangereux. Voici pourquoi :
– Pour être déclaré délinquant dangereux, un psychiatre doit se prononcer sur le risque que représente l’individu. Il doit déclarer que ce dernier représente un danger inacceptable et impossible à contrôler au sein de la société.
– L’individu doit avoir commis des crimes ayant entraîné des blessures graves à sa victime ou encore des crimes de nature sexuelle. Le risque posé serait tel que l’individu serait incapable de maîtriser ses pulsions meurtrières ou sexuelles. L’accent est donc mis sur l’impulsivité manifestée par la personne.
– Au moment d’être déclaré délinquant dangereux, le délinquant doit en être à sa troisième condamnation pour crimes ayant entraîné des blessures graves ou pour crimes sexuels. Ainsi, il doit avoir été condamné à au moins deux reprises par le passé à des peines de deux ans ou plus (peines fédérales).
Daudelin représentait certes un risque élevé de récidive et oui, il avait déclaré avoir des fantaisies meurtrières avant le meurtre de la jeune Joleil. Aurait-on pu alourdir ses peines passées, surtout la seconde ayant été fixée à cinq ans de prison relativement à une agression sexuelle sur une adolescente ayant eu lieu après le meurtre de Joleil Campeau et donc en sachant qu’il était à haut risque de récidive et qu’il avait des fantasmes meurtriers? Probablement. Cependant, il ne pouvait alors être déclaré délinquant dangereux tout simplement parce qu’il n’en était pas à sa troisième condamnation de deux ans ou plus dans un pénitencier. Aujourd’hui, par contre, s’il est reconnu coupable de ce meurtre, il pourrait être déclaré comme tel à condition, bien sûr, qu’un psychiatre en vienne à cette conclusion et qu’il suggère au tribunal de le catégoriser comme tel.
En terminant, il est important de ne pas confondre « délinquant dangereux » avec « délinquant à contrôler ». Dans le premier cas, l’individu est condamné à une peine indéterminée, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de fin à sa sentence. Il s’agit de la peine la plus sévère du Code criminel. Il demeurera toute sa vie sous probation si, un jour, il quitte le pénitencier et il ne pourra pas effectuer une demande de libération conditionnelle avant d’avoir purgé au moins sept ans. Pour les fans de statistiques, en date d’avril 2007, il y avait 349 délinquants dangereux dans la population carcérale canadienne.
Dans le cas du délinquant à contrôler, une évaluation psychologique devra être déposée au tribunal avant de déclarer l’individu comme tel et il sera également soumis à une peine fédérale. Cela s’applique aux délinquants présentant un haut risque de récidive, mais ne pouvant être déclarés comme délinquants dangereux puisqu’ils ne remplissent pas tous les critères. Une fois la peine de deux ans ou plus purgée, le délinquant à contrôler sera sous le joug de la CNLC et devra se soumettre à une surveillance étroite ainsi qu’à des conditions très strictes de remise en liberté. Il sera alors sous ce que l’on appelle une « surveillance de longue durée », soit une surveillance de la CNLC s’effectuant pendant une période pouvant aller jusqu’à dix ans. En moyenne, la période de surveillance accordée est de huit ans.
Si le sujet vous intéresse, je vous invite à consulter le Régime des délinquants dangereux et des délinquants à contrôler au lien suivant :