Je suis sous le choc à la lecture du courriel que Gabriel Filippi m’a transmis.
Mise en contexte :
La journaliste Sylvie Lasserre, via son blog, nous résume la situation :
Au Pakistan, neuf himalayistes étrangers sont abattus au camp de base du Nanga Parbat le dimanche 23 juin 2013.
Lundi après-midi, on apprend que 37 suspects ont été arrêtés et conduits en lieu secret pour interrogatoire. Mercredi (26 juin), la police annonce que les 16 assassins impliqués dans le massacre des himalayistes ont été identifiés. Toujours selon la police, ce sont tous des locaux : dix d’entre eux sont des résidents de la vallée de Diamer, trois de Mansehra, les autres du Kohistan.
Cette nuit, à une heure du matin, onze personnes, dix alpinistes (neuf étrangers et leur guide pakistanais) et un cuisinier pakistanais ont été abattus à leur camp de base au pied du Nanga Parbat, l’un des sommets les plus hauts du monde (8126 mètres) au lieu-dit Buner Nallah, province du nord de Gilgit Baltistan, un endroit isolé, à 18 heures de marche de la piste. On disait le Gilgit Baltistan la région la plus sûre du Pakistan. Jamais jusqu’à présent aucun touriste n’avait été attaqué dans la province.
Selon les médias pakistanais, l’attaque a d’abord été revendiquée par le groupe terroriste Jundullah*. Leur porte-parole, Ahmed Marwat, aurait déclaré à l’agence Reuters par téléphone : « Ces étrangers sont nos ennemis, nous revendiquons fièrement la responsabilité de ces assassinats et nous continuerons avec ce type d’attaques à l’avenir. »
Un peu plus tard dans la matinée, c’est le TTP qui revendique l’attaque, laquelle aurait été perpétrée par le Janud-e-Hafsa, une faction du groupe terroriste, pour venger la mort de leur numéro deux, Waliur Rehman Mehsud, tué le 29 mai dans une attaque de drone américain.
Source : Sur les routes d’Asie Centrale
Gabriel Filippi (alpiniste québécois/cinq ascensions de l’Everest) nous a transmis ce communiqué que nous partageons avec vous.
Voici une partie du témoignage de Gabriel avec moi afin de tenter de comprendre l’incompréhensible et son désarroi.
Gabriel :
« Désolé du délai à écrire ce courriel, je suis encore sous le choc et presque sans sommeil depuis l’horrible tragédie qui s’est déroulée à notre camp de base du Nanga Parbat.
Ce n’est pas évident de perdre un ami; imaginez 10 d’un coup. Je tente de recoller les morceaux cassés, de comprendre l’incompréhensible. Une avalanche, j’aurais compris et accepté mais un acte aussi barbare et gratuit… je suis sans mot, sans réponse. Je survivrai, je célébrerai la vie en leur honneur. Pour l’instant, il y a le deuil, l’acceptation mais pas de pardon.
Je ne donne aucune entrevue malgré le fait que le téléphone, les textos et courriels entrent depuis dimanche. Par contre, je vous fais parvenir le communiqué que j’envoie à tous les médias qui veulent une entrevue. À utiliser si nécessaire dans leur média respectif. Depuis le début, j’ai décliné toute entrevue. Je le ferai si je vois une raison valable. En ce moment, je veux vivre le tout de façon privée, sans avoir à faire face aux journalistes. J’espère vous voir tous très bientôt. D’ici là, prenez bien soin de votre famille et de vos amis. Vous ne pouvez imaginer la joie que j’ai aujourd’hui de serrer dans mes bras tous ces gens qui me sont chers.
Je vous embrasse. »
Voici le communiqué :
« Désolé de ne pas acquiescer à votre demande d’entrevue, mais je suis certain que vous comprenez ma position. Perdre 10 amis montagnards d’un coup, ce n’est pas évident à gérer. Je vais vous laisser une petite note dont vous et les autres médias pourrez utiliser.
Considérant les circonstances de cette tragédie, je vais relativement bien. Chanceux dans cette tragique aventure, j’ai quitté le camp de base la journée précédant les événements. C’est en débarquant, dimanche après-midi, de l’avion à Montréal que j’ai pris connaissance de ce qui s’est passé au camp de base. Je suis de retour à Montréal auprès des miens, très heureux d’être vivant, je ne peux être que reconnaissant de cette chance d’être encore parmi eux. Je ne donnerai pas d’entrevue, tout cela par solidarité pour mes compagnons de grimpe sur le Nanga Parbat, qui eux, lors de leur retour des camps supérieurs, ont été témoins du bain de sang laissé par les talibans. Je ne peux qu’imaginer ce qu’ils vivent tous en ce moment. Maintenant, chacun retourne à la maison et doit gérer cette tragique situation à un niveau très personnel. Je leur souhaite le plus grand courage.
Par ce silence, je veux aussi et surtout rendre hommage, en particulier, à mon compagnon de cordée Ernestas (Lituanie) pour le Nanga et le K2, et aux autres grimpeurs décédés avec qui j’ai partagé un thé, une discussion ou une entraide sur la montagne. Ces gens étaient devenus des amis.
Mes pensées et mes prières vont à leurs familles et amis. »
Je suis avec toi et je partage ta tristesse et ton silence.
Sylio
Pour en savoir plus sur cette histoire, voici des liens :
– http://globalnews.ca/news/673405/montreal-mountaineer-narrowly-escapes-death-at-hands-of-taliban/
– http://www.huffingtonpost.com/2013/06/26/gabriel-filippi-taliban-nanga-parbat_n_3505067.html?utm_hp_ref=world#slide=2414867
Vous pouvez consulter une entrevue positive que nous avons réalisée avec Gabriel dans Affaires de gars en avril 2012 :
http://www.affairesdegars.com/homme-homme/gabriel-filippi-entrevue-homme-homme.htm