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Anxiété généralisée: ma vie, mon combat, mon alliée

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Un ennemi vicieux tournant en rond

Pendant longtemps, j'ai cru que les mots anxiété généralisée signifiaient que l'anxiété se répandait dans tout mon corps. Pour moi, le terme généralisé voulait dire que les effets de l'angoisse se faisaient ressentir de mes cheveux (quand j'en avais) jusqu'au bout de mes orteils. Or, ce n'est vraiment pas ça.

L'anxiété généralisée, c'est la probabilité d'avoir de l'angoisse n'importe où, n'importe quand. Lorsque tu en souffres, tu peux avoir une attaque de panique aussi bien dans ton lit en regardant le plafond que lorsque tu t'adresses à une foule. Le pire est que ça peut se déclencher sans avertissement. Un mardi, tu peux être en train de faire la même tâche que tu fais à chaque mardi et bang!, l'angoisse se présente et t'envahit. Pourquoi ? C'est sans aucun doute la question que se posent le plus souvent tous ceux souffrant d'anxiété généralisée.

C'est pour cette raison que l'anxiété généralisée est aussi vicieuse. Tu ne sais pas quand une attaque de panique peut se déclencher, tu ne sais pas forcément pourquoi ça t'envahit et tu ignores surtout quand elle va se terminer pour que ton corps comme ton esprit puissent retrouver un état d'apaisement. Pire: il suffit que tu aies une seule attaque de panique pour craindre qu'une autre s'enclenche. Et lorsqu'on souffre d'anxiété généralisée, puisqu'on ne sait pas quand ce moment surviendra, on est constamment anxieux à l'idée d'avoir une autre attaque.

C'est donc un cercle vicieux et infernal dans lequel on tourne sans arrêt. Si j'ai à diviser en étapes ce que vit une personne ayant de l'anxiété généralisée, voilà ce que ça donne:

– L'attaque de panique se déclenche et la personne tente au mieux de la gérer

– L'attaque de panique diminue puis cesse

– En se demandant ce qui a bien pu se passer et pourquoi elle a eu une attaque de panique, la personne craint d'avoir une autre attaque à un moment donné et stresse juste à cette idée

– Période d'accalmie

– Retour de la première étape

Voyez donc que ce n'est pas évident lorsqu'on a constamment tout cela dans la tête. Même si on arrive à la maîtriser et à fonctionner, l'anxiété généralisée est un état qui est toujours là, en arrière-plan, n'attendant que le moment de sortir de sa tanière pour grogner et prendre toute la place.

 

Comment l'anxiété généralisée se manifeste ?

Chaque personne vit différemment avec son anxiété. Même s'il y a des symptômes plus fréquents et répandus que d'autres, les impacts de l'anxiété sont différents d'une personne à l'autre. C'est pourquoi il ne faut pas juger une personne anxieuse semblant avoir des réactions plus importantes qu'une autre. Elle vit tout simplement son anxiété à sa façon.

Personnellement, je sais que depuis que je suis tout petit, lorsque j'ai des attaques de panique, j'ai constamment deux peurs qui surgissent dans ma tête. La première est la peur de vomir. J'ai déjà été malade sous l'effet de l'anxiété et je peux vous dire que c'est loin, très loin d'être agréable. Ce qui mène à ma seconde grande angoisse: la peur du jugement. Lorsque j'angoisse, j'ai peur que les autres le remarquent, qu'ils me lancent des regards ou, comme ça m'est déjà arrivé, qu'ils émettent des commentaires dans ma direction ou encore en cachette. Lorsqu'en plus tu as peur d'être malade et que tu te retrouves en public, ce n'est pas juste l'angoisse qui t'envahit, ce sont les pensées obsédantes qui roulent constamment dans ta tête et qui te font tout bonnement encore plus paniquer.

D'ailleurs, il faut vraiment avoir eu des attaques de panique pour comprendre à quel point ceux souffrant d'anxiété généralisée ont des pensées obsessives. Dans ma tête, je peux vous dire que le petit hamster roule dans sa petite roue. Si je pouvais l'y enlever et le matérialiser, je suis convaincu qu'il aurait d'énormes mollets ! L'anxiété est si présente et si imprévisible que mes idées ne font que se bousculer dans ma tête, et ce de mon réveil jusqu'à ce que je tombe de sommeil.

Vous voulez des exemples concrets et non de jolis mots pour vous expliquer à quel point ces pensées sont destructrices et souffrantes ? Voici des situations dans lesquelles je me suis retrouvé et durant lesquelles j'ai dû combattre mon angoisse, parfois en perdant le combat:

– Lorsque j'étais jeune, je refusais constamment d'aller jouer chez des amis. Psychologiquement, j'ignorais ce que j'avais. Mais physiquement, je savais très bien que je tremblais, qu'il m'arrivait de bégayer et que j'avais mal au coeur. Résultat: je restais chez moi, dans un endroit qui me sécurisait. J'avais des amis, mais ça m'a pris des années pour avoir le courage d'aller chez eux et de faire des activités que tout enfant devrait faire.

– J'adore le temps des Fêtes, mais j'ai toujours eu des attaques de panique à l'approche de Noël jusqu'au retour des Fêtes. Pourquoi ? Comme je l'ai dit plus haut, difficile d'expliquer ces attaques. Or, je me rappelle d'un 31 décembre alors que j'avais 14 ans. J'étais dans un restaurant avec ma famille lorsque, près de minuit, j'ai eu une attaque. Je me suis mis à trembler, je ne voulais plus parler à personne et tout ce que je voulais, c'était partir. Or, je me rappelle aussi que j'ai eu très mal au coeur. Résultat: en moins de quelques minutes, j'ai été malade en plein restaurant. Le premier coup de minuit signalant la nouvelle année, je l'ai passé dans les toilettes, recroquevillé, malade et en pleurs, disant à ma mère qui cognait dans la porte pour me réconforter de me laisser tranquille. J'ai rarement eu aussi honte de moi, et ce encore aujourd'hui.

– J'ai eu plusieurs attaques de panique dans le transport en commun et il m'arrive encore d'en avoir. Lorsque l'angoisse me prend et m'envahit, ma tête se demande tout le temps quand je vais pouvoir sortir de l'autobus ou du métro. Lorsque je vois un arrêt, ça me rassure puisque je me dis que je pourrai sortir. Je me souviens aussi que, pendant des années, j'ai calculé combien de temps s'espaçait entre deux stations de métro en me disant que, lorsque le métro partait, j'avais tant ou tant de temps à endurer ou à tenter de ne pas être malade avant que les portes s'ouvrent et que je puisse sortir. Ça peut paraître fou, mais à cause de cette obsession, je peux maintenant vous dire entre quelles stations du métro de Montréal le temps de trajet est le plus long ou le plus court !

– Ma conjointe peut vous le dire: lorsque je pars en voyage, c'est pénible. Vraiment pénible. J'aime voyager, mais mon anxiété m'empêche d'en profiter. J'ai des craintes, des peurs et des phobies aussi absurdes qu'envahissantes lorsque je suis à l'étranger. Peur d'être malade, peur de ne pas pouvoir revenir au pays, peur d'être attaqué, peur que l'hôtel n'aie pas notre réservation, peur d'être coincé aux douanes, peur que l'avion s'écrase, etc. C'est totalement ridicule, mais c'est bien présent.

– Sur une note un peu plus drôle, j'ai toujours eu des craintes envers certains spécialistes de la santé, dont les dermatologues. Lorsque j'étais enfant, les verrues plantaires me sautaient dessus comme un affamé fonçant dans un buffet à volonté. Je me souviens d'une fois où il m'a brûlé une verrue à l'azote liquide. J'étais tellement stressé à l'idée d'avoir mal que, lorsqu'il était tout près de moi, j'ai mordu le médecin au sang. Eh oui, parfois, le stress nous fait faire des choses assez invraisemblables, quitte à avoir une petite envie de cannibalisme !

 

Un message d'espoir

Si je vous raconte mon vécu, si je vous ai écrit en partie ce que l'anxiété généralisée me fait vivre au quotidien, c'est avant tout pour vous dire que si vous êtes dans cette situation, vous n'êtes pas seul. Vous n'êtes pas seul à combattre cet ennemi invisible à chaque jour et à ignorer quand il surgira pour vous handicaper. Vous n'êtes pas seul à en avoir honte et à espérer être "normal". Et vous n'êtes pas seul à vouloir cesser de vous torturer l'esprit avec des pensées obsédantes totalement inutiles, mais si handicapantes.

En fait, je veux aussi vous envoyer un message d'espoir en vous disant qu'on peut très bien réussir sa vie et s'en sortir même si on souffre d'anxiété généralisée. Plus jeune, beaucoup ont douté qu'un jour, j'arrive à quoi que ce soit. Ils ont été nombreux à ne voir en moi que le garçon stressé qui allait vivre sa vie sur le bien-être social parce qu'il serait incapable de fonctionner en société. Or, aujourd'hui, je suis propriétaire d'un condo, je partage la vie d'une femme, j'ai une vie sociale active et je donne même des conférences sur différents thèmes. Ce n'est pas facile à tous les jours, mais si j'arrive à gérer mon anxiété pour vivre une vie normale, vous le pouvez aussi.

Aussi, j'ai transformé mon anxiété pour en faire une force. Je suis intervenant psychosocial dans la vie de tous les jours et je suis parvenu à prendre mon anxiété et toutes les souffrances qu'elle me fait vivre pour mieux comprendre et aider les gens que je rencontre. Je vois beaucoup de gens anxieux dans ma profession et je sais exactement ce qu'ils vivent parce que je souffre aussi de stress. Je ne m'étale pas sur ma vie avec mes clients, mais bien souvent, je capte leur attention puisque je suis capable de dire avec des exemples concrets ce que l'angoisse leur fait vivre. Du même coup, je connais des techniques et des moyens pour gérer l'anxiété qu'on n'apprend pas nécessairement dans un manuel collégial ou universitaire.

C'est étrange à dire, mais l'anxiété est passée d'une fatalité à une alliée. Je suis convaincu que je suis un meilleur intervenant parce que j'ai beaucoup appris à travers mon anxiété et que j'utilise maintenant ces apprentissages personnels pour aider les autres.

Bref, ne perdez pas espoir si vous vivez avec de l'anxiété généralisée ou connaissez quelqu'un en souffrant. Je sais que c'est difficile, je sais à quel point l'angoisse est le meilleur moyen de nous faire perdre tout espoir et je sais que c'est extrêmement ardu de ne pas savoir si, en se levant, ce sera une belle ou une mauvaise journée tout dépendant si le stress se manifestera ou non. Or, je sais qu'à travers toute cette souffrance, on devient plus fort et qu'on peut, comme je l'ai fait, s'en servir comme d'une force pour aider ou inspirer les autres. Croyez-moi, si ces paroles viennent d'un petit gars qui n'osait même pas sortir du garde-robe de sa chambre à une époque, vous aussi, vous pouvez dompter cette féroce bête que l'on nomme anxiété.

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