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Olivier Martineau : entrevue d’humoriste à humoriste

Olivier, en ce moment tu es un artiste qui brille dans le relève. Tous s’entendent pour dire que tu es l’humoriste à suivre dans les prochaines années. Tu as été découvert en 2010 dans le cadre de l’émission « En route vers mon premier gala », mais que faisais-tu avant de te lancer en humour? 

J’aurais vraiment aimé te dire que je conduisais un camion lourd ou encore que j’avais des ruches d’abeilles, mais dans les années qui ont précédé ma carrière en humour, j’enseignais au secondaire l’art dramatique. Je pense que je transpose beaucoup de mécanismes d’enseignant lorsque je m’adresse à mon public, ne serait-ce que le fait que je tutoie le groupe! (Rires) Mais j’aurais dû faire ça, avoir des ruches. Ça aurait été génial. (Rires)  

À un moment donné, quand tu as fait le choix de quitter l’enseignement pour te consacrer à ta carrière artistique, as-tu ressenti un certain vertige avant de faire le grand saut? 

Non. Je prends des risques très calculés, je ne fais pas de grands sauts; c’est pour cette raison que j’ai effectué un changement de carrière très prudent, graduellement, sur une longue période de temps. J’ai fait beaucoup d’allers-retours entre le milieu du spectacle et la « job alimentaire » avant de me consacrer à l’humour à temps plein. Le truc pour ne pas avoir le vertige, selon moi, c’est de ne pas regarder en bas, mais plutôt de regarder devant toi. Et c’est une ligne de pensée que je m’efforce de maintenir.  

À l’intérieur de toi, as-tu toujours su que ta place était sur scène? 

Sur scène oui. En humour, pas tant. Les premières planches sur lesquelles je suis monté, c’est d’abord à cause de la musique. On était jeunes, on avait un band et les cheveux longs! On avait même fait bonne figure au concours Cégep Rock; c’est là que j’ai eu mon premier rush de scène. Mais j’étais tellement laid avec les cheveux longs. (Rires) Mais bon, c’était l’époque des B.B.!  

Tu n’as pas fait l’École nationale de l’humour, ni le parcours habituel des humoristes en général. As-tu toujours été celui qui trace ses propres sentiers? 

Les grands artistes, ceux que j’admire, n’ont jamais emprunté les routes déjà tracées. Aussi, cette question en soulève une autre : qu’est-ce que le parcours habituel d’un humoriste? Le contexte humoristique actuel profite, je crois, de la présence d’artistes aux bagages singuliers, certains venant de l’école de l’humour, d’autres du théâtre, d’autres qui ont appris dans les bars, un soir à la fois. C’est ce qui fait qu’on profite d’une diversité incroyable, d’une relève forte et bouillante qui n’en fait qu’à sa tête, qui propose, défend et invente de nouvelles manières de faire rire. Et bien que tous ces artistes soient partis de divers endroits à divers moments, ils ont fini par se rejoindre, entre eux, et à rejoindre le public. Cela ne veut pas dire qu’il faut tourner le dos à ce qui a été fait avant nous, au contraire, il faut connaître et porter cet héritage artistique. Simplement, il faut déclencher à partir de là une réflexion, un processus. Le meilleur exemple en est un que j’emprunte à un autre, celui de la roue qui existe depuis des milliers d’années, et qui aura servi de la charrette à la navette spatiale. L’essentiel, ce n’est pas selon moi la recherche de nouveaux moyens, mais bien la recherche de nouvelles fonctions.  

L’émission En route vers mon premier gala t’a fait découvrir au grand public. Es-tu heureux que ce genre de concours offre une belle vitrine à tout le monde qui rêve de faire ce métier? 

Dans les dernières années, ce sont les initiatives telles que cette émission, ou encore le Grand rire Comédie Club, qui ont permis à plusieurs d’entre nous d’être diffusés et découverts. Ça rend le métier accessible.  

Depuis la première édition d’En route vers mon premier gala, les gagnants n‘ont jamais été des gradués de l’École nationale de l’humour. De quelle manière analyses-tu ce constat? 

D’emblée, je suis un pourfendeur de la distinction entre les gradués de l’ENH (École nationale de l’humour) et ceux qui, comme moi, sont plutôt autodidactes. En ce qui me concerne, la manière dont nous avons choisi d’apprendre le métier importe peu. Cela reviendrait à demander aux écrivains dans quelles écoles ils ont appris à écrire plutôt que de parler de leur dernier roman.  

En spectacle, tu es toujours accompagné d’instruments. Est-ce que la musique est ta première passion ou simplement le meilleur partenaire de scène?

C’est vrai que ma guitare est souvent sur scène, mais pas toujours. Avec la guitare, ça devient un duo, ça crée un rythme. Et ça adoucit; on peut dire bien des choses en chantonnant qu’on ne saurait dire autrement… Georges Brassens, ma plus grande inspiration, le savait bien. La plupart de mes chansons sont très acides, grivoises. Ces mêmes textes, d’après moi, ne pourraient pas être interprétés sans musique. La guitare, la musique, c’est la mise en scène instantanée; c’est le décor et la lumière qui changent sans que rien ne bouge.   

Sur scène, tu es agréablement fou et tu sautes continuellement du coq à l’âne. Dans la vie de tous les jours, es-tu un être aussi éparpillé? 

Je suis en fait un gars méga organisé. J’ai un agenda bien tenu… J’en ai deux en fait! Je fais des listes de choses à faire… et chez moi, c’est très « catalogue Ikea ». Tous les objets sont placés droitement, parallèles au mur. Rien ne traîne et je planifie tout! Selon moi, la réussite provient de la confiance et la confiance, elle, vient de l’organisation. Sur scène, c’est autre chose, c’est vrai que je passe d’un truc à l’autre. Pourtant, même dans un spectacle, je reste organisé. Si je fais du n’importe quoi, je suis loin de faire du n’importe comment!

Cet été, tu as eu la chance de faire la première partie de Jamel Debbouze à Québec. Avez-vous eu le temps de jaser un peu dans la loge? 

Ça, c’est probablement l’histoire la plus incroyable. En fait, on ne s’est pas croisés du tout à Québec. Puis, quelques semaines plus tard, je suis allé à Paris puisque j’étais invité à participer au Jamel Comedy Club. Encore une fois, nous nous sommes manqués de peu. Finalement, il aura fallu attendre le Marrakech du Rire, au Maroc, pour finalement échanger quelques mots! (Sourire)  

Ça ne doit pas être évident de faire la première partie d’une célébrité. Est-ce qu’on a plus de pression en montant sur scène qu’en spectacle solo?  

Que ce soit pour Jamel Debouzze, ou encore pour Anthony Kavanagh, faire une première partie, c’est toujours un peu plus fragile. D’abord, on sert la soirée, on a une fonction spécifique, on met la table. Ensuite, les gens dans la salle ne sont pas là pour te voir toi en particulier, c’est un public emprunté. La pression vient surtout, en ce qui me concerne, du fait que je ne veux pas décevoir, que je veux être à la hauteur de la place qu’on m’accorde, de la chance qu’on me donne. En solo, c’est différent, les gens sont là pour ton spectacle. En première partie, il faut convaincre beaucoup plus qu’en solo!

Vous semblez avoir une famille plutôt extravertie. À Noël, qui est le plus bouffon de la gang? 

La compétition est vraiment féroce. Tout le monde est debout sur sa chaise, on lance des confettis. Il n’y a pas de gagnant; c’est assez égal. J’admets pourtant que si on devait choisir un vainqueur, je proposerais mon oncle qui, chaque année, passe la soirée à jouer tout seul à « devine le mime »! (Rires)

Après avoir fait la connaissance de ton père, on comprend que la pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre. Ton personnage de scène est-il inspiré de ton père? 

Mon sens de l’humour me vient sans aucun doute de mon père, qui est le gars le plus drôle au monde. Souvent, on jase d’humour ensemble, on pense à des gags, on brainstorm; certaines de ses blagues ont parfois même été intégrées dans mes numéros de galas. C’est lui aussi qui fait mes nœuds de cravate! Je pense que nous sommes mutuellement nos plus grands fans…  

Merci Olivier!  

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