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Louis T. : Entrevue d’humoriste à humoriste

Plus jeune, tu te voyais faire quoi plus tard? Pensais-tu un jour être humoriste?
J’imaginais un parcours beaucoup plus commun. Quand on est jeune et qu’on nous parle de futurs métiers, c’est rare qu’on parle d’humoriste ou de professions qui sortent de l’ordinaire. Alors, je m’imaginais policier ou bien avocat, un peu comme tout le monde.

À quel moment t’est venue l’idée de faire les auditions à l’École nationale de l’humour?
C’est assez flou, mais je me souviens d’une soirée où je faisais le constat que je n’étais pas très heureux à l’université. Je suis alors tombé sur le site de l’école de l’humour. Je crois que c’est le 2e lien qui sort dans Google quand on tape : « Suis-je en dépression? » (Sourire)

Est-ce que c’était plus difficile de se démarquer à l’école à travers les autres étudiants ou ce l’est davantage une fois sorti, dans la cour des grands?
Quand on est à l’école, il y a effectivement ceux qui se démarquent aisément par leur style éclaté ou très différent. Moi, ce qui me ressemblait plus, c’était le style stand-up. Disons que ma couleur n’était pas encore très évidente. Je faisais des textes qui auraient pu être faits par plusieurs autres humoristes. C’est une fois sorti de l’école qu’on réalise clairement que si « on ressemble à tout le monde, jamais tout le monde n’aura envie de venir nous voir ». Alors, on commence à réfléchir à ce qui fait de nous quelqu’un de particulier. Ensuite, ça devient plus naturel, ce n’est plus un automatisme. On a de moins en moins besoin d’y réfléchir. Maintenant, quand j’écris un texte, ma couleur est plus présente et surtout plus précise.

Tu as développé une belle amitié avec François Bellefeuille, un complice que tu as depuis l’école de l’humour, si je ne me trompe pas. Est-ce que c’est difficile de se faire des « vrais amis » dans un milieu aussi compétitif?
Mes amitiés dans le milieu me proviennent des expériences de travail intense que j’ai eues à l’École nationale de l’humour, où j’ai tissé des liens avec des gens que je vois régulièrement aujourd’hui. C’est ce qui est arrivé aussi sur le plateau de l’émission Selon l’opinion comique avec mes collègues Adib Alkhalidey, Isabelle Ménard et Kim Lizotte. Vivre des expériences qui sortent de l’ordinaire, avec certaines personnes, ça nous permet de découvrir véritablement ces gens. De là naissent les vraies amitiés. Je suppose que c’est ainsi pour les autres aussi, mais n’étant pas d’un naturel toujours souriant et de bonne humeur, et ayant tout de même réussi à me faire de vrais amis, je dirais que ce n’est pas si difficile finalement de s’en faire (rires).

Parle-moi de ton parcours en humour depuis ces dernières années, car ton style a tellement évolué. Comment en es-tu venu à développer ton personnage plutôt intello toujours en complet-cravate?
Parce que je rêvais de devenir avocat plus jeune! (Sourire) Je crois que ce côté plus intello a toujours été présent en moi. Il l’était juste moins, au début, sur scène. Lorsqu’on se cherche comme artiste, on teste beaucoup de trucs. Les sujets dont je parle aujourd’hui ont toujours été les sujets que j’ai voulu aborder, même à l’école de l’humour. Mais j’avais de la difficulté à les faire passer et surtout à faire rire à travers ces sujets dits plus sérieux. L’arrivée des complets dans ma vie d’humoriste n’aura été qu’un moyen finalement, au début, pour que les gens cernent plus rapidement mon personnage de scène. Le message envoyé est clair maintenant. Je pourrais aujourd’hui m’en passer, mais je les garde parce que je m’y plais en veston. J’aime ça jouer au monsieur.
 
Est-ce que c’est normal et même saint, parfois dans ce milieu difficile, de penser abandonner?
Ouf! Ça fait très peu de temps que j’arrive à me convaincre que j’ai ma place dans ce métier et que j’y crois vraiment. Au début, tous les trois mois j’ai pensé abandonner. Il y a toujours une nuit où tu n’arrives pas à trouver le sommeil et où tu te mets à faire de l’anxiété à savoir : « Est-ce que je vais arriver à percer? Est-ce que ça va durer? Devrais-je retourner aux études? » Heureusement pour moi, j’ai toujours eu une bonne confiance en moi. Un petit côté de moi me disait : « Peu importe comment, ou bien où, j’ai ma place et je compte bien y rester longtemps (sourire) ».

Que penses-tu des différents concours en humour, par exemple En route vers mon premier gala, qui est très populaire depuis quelques années?
L’aspect concours n’est pas celui que je préfère, ça donne plus d’importance aux trois juges qu’au public. Par contre, la visibilité que ça accorde aux humoristes de la relève peut parfois être assez exceptionnelle. Si on prend l’exemple de l’émission En route…, elle a littéralement changé la donne pour beaucoup de jeunes humoristes. Elle a aussi donné envie au public d’aller voir de nouveaux humoristes, et pour ça, l’émission vaut la peine. Mais en ce qui concerne l’aspect que « quelqu’un doit gagner » et « qu’il faut décider du plus drôle », pour ce point, ça devient subjectif. Ça devient des décisions discutables, mais les gens qui s’embarquent dans l’aventure sont maintenant très au courant après quatre saisons.

Comment en es-tu venu à coanimer l’émission très populaire à MAtv, Selon l’opinion comique?
Juste pour rire et les producteurs de l’émission ont passé des auditions, auxquelles une dizaine d’humoristes ont participé. C’est un processus assez fréquent dans le milieu de la télé. On peut donc conclure qu’Isa, Kim, Adib et moi avons été les meilleurs ou bien ceux qui ont eu la plus belle chimie lors de ces castings. On est un peu comme un boys band, mais un boys band de l’avenir, avec deux gars deux filles! Ça rejoint tous les publics! C’est clair, on va en vendre des CD!

Le concept de cette émission demande beaucoup de travail et de préparation. Penses-tu que dans 10 ou 15 ans, tu vas te dire : « mais dans quoi je m’étais embarqué? » (Rires) T’es-tu découvert une nouvelle discipline de travail?
Deux semaines après le début de l’émission, aussitôt, nous nous sommes tous dit : « mais dans quoi on s’est embarqués!!» Effectivement, ça demande beaucoup de travail d’écriture. Un stand-up de 5 minutes par semaine, prêt pour la télé, sans montage ni coupure, en plus de connaître les sujets de débats et de préparer un autre court stand-up pour le début de l’émission. Mais c’est une discipline à avoir et j’adore ça. Vraiment! J’aime les lundis quand on nous donne un sujet et les vendredis où on doit les livrer. À vrai dire, je ferais ça toute ma vie. C’est l’une des choses les plus stimulantes qui m’aient été donné de faire. En plus, on nous accorde beaucoup de liberté, on ne s’est jamais fait censurer. C’est rare dans ce milieu. Donc, on en profite et on est conscients de la chance qu’on a. Probablement que la même émission sur un plus grand réseau serait plus édulcorée. Je me souviens même qu’on a chacun, à notre manière, déjà fait des blagues sur Quebecor et Juste pour rire, qui se trouvent à être nos deux employeurs (sourire).

Tu es un homme plutôt sérieux et réservé en général dans la vie privée. Que se cache-t-il derrière cette cravate? Est-ce que serait surprenant d’apprendre qu’au contraire tu es un romantique et un grand sensible? (Sourire)
(Rires) Je suis un peu comme tout le monde, plus sensible en privé qu’en public. Je suis aussi en couple depuis 7 ans avec la même copine qui ne semble pas trop se plaindre de moi. Je dois donc avoir un petit côté romantique (sourire). Effectivement, je projette une image plutôt sérieuse, mais en privé, je suis un peu plus niaiseux. Oui, je garde mes jokes de pet lorsque j’ai un plus petit auditoire. Par contre, je suis totalement passionné par l’actualité. J’essaie toujours de lire les trois journaux majeurs chaque jour. Donc, si vous me croisez dans le quotidien, il y a de fortes chances que j’aie envie de jaser de trucs sérieux. J’aime débattre dans la vie, trop peut-être. J’essaie d’être prudent afin de ne pas devenir trop lourd pour les gens autour de moi. Mais je n’y arrive pas tout le temps (rires).

Tu es en couple depuis plusieurs années avec une fille incroyable. Est-ce l’heureuse élue? Élizabeth t’aide-t-elle à garder les deux pieds sur terre malgré le succès?
Premièrement, mon succès est assez débutant, je suis certain que plusieurs lecteurs se disent en ce moment : « Mais c’est qui lui? » Mais oui, ma copine me sert un peu de phare dans ce milieu étrange. Elle a un horaire plus normal, elle est intervenante sociale et elle fait du 9 à 5 h. Pour pouvoir passer du temps avec elle, je dois donc moi aussi me faire un horaire de vie, ce qui nous manque parfois dans ce genre de métier. J’arrive parfois tard après avoir joué devant 1000 personnes qui ont ri de mes blagues et elle, elle arrive du travail avec des histoires beaucoup plus dramatiques que mes quelques gags qui n’ont pas fonctionné. Ça me fait réaliser certains trucs. Mais ça me permet surtout, grâce à elle, de fréquenter des gens en dehors du milieu. C’est agréable, on parle d’autre chose que d’humour. Et Dieu sait que je parle beaucoup d’humour!
 
Que peut-on te souhaiter pour les prochaines années? On se gâte là, ton objectif ultime comme humoriste un jour? (Sourire)
Le principe du secret, c’est bien ça? Demander à l’Univers afin de recevoir? Alors père Noël, j’aimerais bien avoir mon one-man show d’ici quelques années. Et à court terme, disons 5 ans, pouvoir animer ma propre émission de télé; un mélange de talk-show et d’actualité, un peu comme le Daily Show aux États-Unis. Alors, il me faut juste un verre de lait, des biscuits, puis attendre le producteur qui voudra bien me faire confiance…

Merci Louis!

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