L'amour est une haine comme les autres : l'amitié entre les noirs et les blancs au siècle dernier
Philippe MichaudL'album paru chez Grand Angle raconte l’histoire d’Abe, un noir à l’esprit vif, et de Will, un blanc un peu lent. Jusqu’ici, rien d’exceptionnel. Le seul problème, c’est que nous sommes en 1930 en Louisiane. À cette époque, les noirs n’avaient malheureusement pas les mêmes droits que les blancs. Il était même mal vu, pour un blanc, de sympathiser avec un noir.
Au rythme des 72 pages, nous accompagnerons les deux personnages pendant quelques décennies. S’ils vont emprunter des chemins différents – Will reprendra la direction de l’usine de son père, tandis qu’Abe travaillera comme simple ouvrier dans cette même usine -, leur amitié va perdurer.
Puis, un jour, Will fera la connaissance d’une jeune femme. Particulièrement raciste, celle-ci n’acceptera pas que Will, son futur époux, fréquente Abe. L’amour triomphe-t-il vraiment toujours?
La bande dessinée s’est déjà intéressée à l’histoire des noirs aux États-Unis. Dans les dernières années, on a notamment eu droit à la magnifique série Wake Up America chez Rue de Sèvres. Si celle-ci adoptait un ton plus historique et détaché, L’amour est une haine comme les autres est une œuvre beaucoup plus intimiste.
Bien sûr, on n’échappe pas à toutes ces scènes de violence faite aux noirs au siècle dernier. Avec son trait anguleux, mais toujours limpide, et un découpage dynamique, le dessinateur Lionel Marty ne nous cache d’ailleurs aucun détail. Quand Abe est, par exemple, passé à tabac par un groupe d’ouvriers blancs, on assiste, bien malgré nous, à l’entièreté de la séquence.
En même temps, même s'il est beaucoup question des inégalités entre les noirs et les blancs, L’amour est une haine comme les autres n’est pas qu’une œuvre partisane. C’est aussi, et surtout, une surprenante bande dessinée sur la tolérance et le pouvoir de l’amitié.
Comme seul défaut, on pourrait lui reprocher d’avoir des personnages principaux un peu trop stéréotypés. Leurs gestes ou leurs réflexions, surtout dans les deux premiers tiers du récit, sont en effet assez prévisibles. Heureusement, les protagonistes se rattrapent plutôt bien dans la finale (ouverte et bourrée d’espoir) en nous surprenant.
Verdict
On ne devrait pas refuser d’être l’ami de quelqu’un juste à cause de la couleur de sa peau. C’est ce que nous enseigne avec franchise L’amour est une haine comme les autres.
L’amour est une haine comme les autres
Stéphane Louis et Lionel Marty
Cote : 3,5 étoiles sur 5