La redécouverte d’une œuvre trop souvent boudée
Bruckner, qui admirait Richard Wagner, fait l’objet de préjugés depuis de nombreuses années. Plusieurs mélomanes lèvent, en effet, le nez sur son œuvre prétextant que ses symphonies sont trop longues et ennuyeuses. Il est vrai que la plupart de ses symphonies ont une durée de plus d’une heure. Par contre, cela ne signifie pas pour autant qu’elles ne sont pas d’intérêt.
Avec une durée d’environ 54 minutes, la sixième fait partie de ses symphonies les plus courtes. À titre d’exemple, la huitième dure de 75 à 90 minutes. La sixième fait aussi partie des rares œuvres qui n’ont pas été retouchées ni remaniées par le compositeur. Celui-ci, il faut bien le dire, était très fier de sa création, qu’il surnommait même affectueusement Die Keckste (l’Effrontée). Cette allusion renvoie certainement au troisième mouvement, mais également à l’audace de son écriture.
Même si elle fait appel à un orchestre assez considérable, cette symphonie demeure sereine et souvent très intime. Pour ne pas la dénaturaliser, le chef doit bien diriger son orchestre et ne pas essayer de trop forcer le jeu. Tout doit rester naturel, sinon on fonce droit dans le mur et les auditeurs décrochent après seulement quelques minutes.
Heureusement, le maestro québécois ne commet pas cette erreur. Il nous livre plutôt une interprétation sincère et remplie d’émotion. Le contraire m’aurait, je dois bien l’avouer, plutôt surpris. On pourrait presque dire que M. Nézet-Séguin est maintenant un expert en la matière.
Ça fait maintenant des années qu’il travaille avec les musiciens de l’Orchestre Métropolitain et ça se sent; ils ont déjà joué du Bruckner et ça paraît. Les différents instruments sont en parfaite harmonie. Les cuivres, qui sont relativement sollicités tout au long de l’œuvre, font bien leur travail sans voler la vedette aux cordes.
J’en profite d’ailleurs pour lever mon chapeau aux violoncelles et aux contrebasses qui jouent un rôle majeur tout au long de la symphonie. Ils font preuve d’une grande polyvalence et savent adapter leur jeu selon les circonstances. Ils peuvent tantôt jouer avec magnificence et poésie, tantôt avec force et vigueur.
Verdict
Cet enregistrement est un véritable tour de force de la part de Yannick Nézet-Séguin. Son interprétation de la 6e symphonie de Bruckner est assurément l’une des meilleures des dernières années. En écoutant ce disque, c’est comme si on redécouvrait cette œuvre et on va même jusqu’à se demander pourquoi on l’avait aussi longtemps boudée.
Cote : 4,5 étoiles sur 5
Pour plus d’informations, vous pouvez consulter la page d’ATMA Classique.