Cette semaine, Statistique Canada nous apprenait que le taux de criminalité au Canada est une fois de plus à la baisse. En effet, le taux de criminalité a reculé de 6 % en 2011 par rapport à 2010, pour atteindre un niveau jamais vu depuis 1972. Au Québec, la baisse est un peu plus modeste, mais elle est bien là, le taux de crimes ayant diminué de 4 %. D’ailleurs, la Belle Province se classe parmi les premières provinces du pays en ce qui concerne le taux de criminalité, bien loin devant les provinces de l’Ontario et des Territoires du Nord-Ouest, où la criminalité est beaucoup plus forte. D’un point de vue municipal, plusieurs villes du Québec affichent parmi les taux de criminalité les plus bas au pays, notamment la région métropolitaine de recensement de Québec (2e), Montréal (12e), Trois-Rivières (19e) et Sherbrooke (26e).
Cependant, même si ces nouvelles sont encourageantes, elles ont été questionnées par certains professionnels et chercheurs œuvrant dans le domaine de la criminologie. En effet, si le taux de criminalité au pays est en constante diminution depuis les dernières années et qu’il n’a jamais été aussi bas depuis le début des années 70, comment expliquer que les prisons ainsi que les pénitenciers souffrent d’une surpopulation quasi jamais vue? Car s’il faut suivre la logique voulant que le nombre de crimes diminue, nous devrions également voir une diminution de la population incarcérée. Or, il en est tout autrement. D’ailleurs, le Journal de Montréal rapportait, pas plus tard que cette semaine, que les accusés devant normalement séjourner dans des établissements carcéraux la fin de semaine en attente de leur comparution la semaine suivante devront maintenant dormir au Palais de justice, conséquence directe de l’engorgement dans les prisons et les pénitenciers.
Plusieurs chercheurs se penchent présentement sur cette discordance afin de trouver des réponses. Déjà, certaines hypothèses ont été soulevées et concernent les politiques répressives du gouvernement Harper, notamment celles adoptées en vertu de la loi C-10. Que l’on soit en accord ou non avec les décisions du gouvernement conservateur, nous ne pouvons nier que les récentes politiques en matière criminelle ont ajouté un fardeau sur les épaules des établissements carcéraux ainsi que sur le personnel œuvrant au sein de ces derniers. L’ajout de peines minimales pour certains crimes (notamment ceux à caractère sexuel), l’abolition de la semi-liberté au sixième de la peine et la fermeture de certains pénitenciers (dont l’établissement Leclerc à Laval) ont notamment engorgé davantage des établissements carcéraux qui craquaient déjà.
Bref, s’il est vrai que la criminalité diminue au Canada, il est faux de croire qu’il y a moins de criminels incarcérés. En fait, avec les modifications apportées par le gouvernement Harper, certains criminels se retrouvent détenus alors qu’ils ne l’auraient pas été auparavant et, de surcroît, certains demeurent derrière les barreaux pour une plus longue période.
Que l’on soit en accord ou non avec des mesures davantage répressives, là n’est pas la question. La question se situe davantage au niveau de l’efficacité de telles mesures. Si le Canada affiche un taux de criminalité en décroissance constante, rappelons qu’il s’agit d’un pays ayant fait le choix de miser sur la réhabilitation sociale plutôt que sur la répression. Le Québec, en particulier, a adopté des mesures de réhabilitation efficaces et, aujourd’hui, la province se classe parmi les premières du pays quant à son taux de criminalité. De plus, devant l’engorgement des populations carcérales, nous devons présentement nous questionner à savoir si les mesures du gouvernement fédéral ne créeront finalement pas de plus gros problèmes, faisant en sorte que la gestion des établissements carcéraux deviendra de plus en plus complexe. Et advenant que le gouvernement décide de construire plus de prisons pour contrer l’engorgement des établissements actuels, cela ne règlera non seulement pas ce qui est à la base d’un comportement criminel, mais cela viendra aussi gruger les finances publiques… finances qui sont d’ailleurs déjà amputées en moyenne de 104 000 $ par année par détenu.