Le Rêve du papillon
L'univers du 9e art ne connaît pas de limite. Les auteurs peuvent s'inspirer de tout, même, comme dans Le Rêve du papillon, d'une vieille parabole chinoise!
En effet, pour leur série, Richard Marazano (scénario) et Luo Yin (dessin) se sont inspirés d’une parabole célèbre du penseur chinois Tchouang-tseu. Dans cette fable, un sage rêve qu’il est un papillon. Quand il se réveille, il se demande alors s’il n’est pas plutôt un papillon qui est en train de rêver qu’il est Tchouang-tseu.
Dans cette série en quatre tomes, on ne retrouve pas ce sage (même si on évoque son histoire), mais plutôt une petite fille, Tutu. Celle-ci s’est perdue dans les montagnes pendant une grosse tempête de neige. Elle s’est réveillée dans un monde imaginaire où cohabitent des animaux anthropomorphes et des robots.
Le monde est dirigé par un dictateur, un empereur dont personne n’a jamais vu la véritable identité. Il se déplace à l’aide d'un robot télécommandé. La cité vit dans un hiver perpétuel depuis on ne sait combien de temps.
Pour une raison qu’on ignore, les petites filles ne sont pas vraiment appréciées. Et on se doute que l’arrivée de Tutu dans le centre-ville ne passera pas inaperçue. Loin de là! Tous la dévisagent et certains sont même outrés de voir une telle « créature » déambuler seule dans la rue.
Elle est rapidement attrapée par les forces de l’ordre – des espèces de grands lapins – qui l’amènent devant le juge, lequel la déclare coupable d’être une petite fille (!?). Puis, elle est assignée à résidence chez une dame-oiseaux qui est tout sauf sympathique.
Malheureusement, elle n’est pas au bout de ses peines. Le lendemain, elle apprend qu’elle doit se rendre à l’usine pour travailler! Eh oui, ce monde ne semble pas avoir aboli le travail des enfants…
Son travail est loin d’être de tout repos. Elle doit s’occuper de remplacer les hamsters fatigués par des hamsters frais et dispos. En effet, elle est employée dans une centrale d’énergie qui est responsable d’alimenter en électricité la ville. L’électricité est produite par des hamsters qui courent dans une roue. Il fallait y penser…
Alors que tout le monde la déteste, elle va tomber sur un groupe de gamins clandestins. Elle fera aussi la rencontre de l’ennemi public no 1 : le Cerf-Voleur. Celui-ci semble être le seul à vouloir abattre l’empereur. Heureusement, l’arrivée de Tutu va lui permettre de mettre son plan à exécution.
Il faut dire que l’empereur se fout complètement du sort de son peuple. Il s’enferme dans sa tour d’ivoire et préfère travailler sur ses inventions. D’ailleurs, sa dernière risque de grandement affecter son peuple. Il souhaite mettre la main sur un papillon qui pourrait lui permettre ni plus ni moins de contrôler les rêves. Il va même jusqu’à demander l’aide de Tutu.
Bien évidemment, elle n’acceptera pas. Elle va plutôt tenter de renverser ce vilain empereur. Mais on ne met pas sur pied une révolution en criant lapin (et c’est le cas de le dire ici). Elle va devoir s’organiser.
Une série poétique
Je pense que ce qui frappe le plus avec cette série est son aspect graphique très « poétique ». Le dessin de Yin, qui rappelle beaucoup les publications provenant de l’Asie, est soigné, élégant et ravissant. Il est aussi difficile de ne pas tomber sous le charme des couleurs douces et contrastées. Même dans les moments les plus sombres de la série, le dessin ne perd jamais de son éclat.
Évidemment, les amateurs de manga seront ravis par le graphisme du Rêve du papillon, tandis que les amateurs de bandes dessinées européennes et américaines ne pourront s’empêcher, j’en suis persuadé, de trouver le tout très beau.
Du point de vue du scénario, la série est intéressante et même plutôt philosophique. En tout cas, il nous amène à nous questionner sur l’importance et la pertinence des rêves dans notre société. À mon humble avis, les quatre tomes s’adressent à un public très large. Les jeunes comme les plus vieux apprécieront cette histoire inspirante.
Son héroïne est d’ailleurs très attachante. Elle a la naïveté d’un enfant, mais la détermination et le courage d’un adulte. Elle a aussi beaucoup de caractère! On a ainsi droit à plusieurs scènes cocasses, surtout celles mettant en scène les lapins. Pour faire court, les lapins sont membres de la police secrète et ont été engagés pour la suivre, sauf qu’ils ne sont vraiment pas doués… Elle les repère à tous les coups.
Vous aurez compris que l’humour est présent tout au long des quatre tomes. Il demeure toutefois assez superficiel. En d’autres mots, on n’achète pas cette série pour rire.
Verdict
La série très accessible de Marazano et Yin rend merveilleusement hommage à l’une des paraboles chinoises les plus connues. Son savant mélange entre humour et sérieux plaira à un large public.
Le Rêve du papillon 01 – Lapins sur la lune
Richard Marazano (scénario) et Luo Yin (dessin)
58 pages
Cote : 4 étoiles sur 5
Le Rêve du papillon 02 – Stupides! Stupides espions!
Richard Marazano (scénario) et Luo Yin (dessin)
58 pages
Cote : 4 étoiles sur 5
Le Rêve du papillon 03 – Les ficelles du cordonnier
Richard Marazano (scénario) et Luo Yin (dessin)
58 pages
Cote : 4 étoiles sur 5
Le Rêve du papillon 04 – Hamster au printemps
Richard Marazano (scénario) et Luo Yin (dessin).
58 pages
Cote : 4 étoiles sur 5
Choc, Tome 1 – Les fantômes de Knightgrave
C’est en 1955 que M. Choc a fait son apparition dans le journal de Spirou. Le personnage, imaginé par Willy – Will – Maltaite et Maurice Rossy, devait devenir l’ennemi récurrent de Tif et Tondu, un duo de héros ayant vu le jour en 1938 et créé par Fernand Dineur. Plus de 50 ans après sa création, M. Choc revient pour notre plus grand bonheur, mais cette fois-ci, seul. La tâche de faire revivre ce vilain a été confiée à nul autre qu’au fils de Will, Eric Maltaite, et à Stéphan Colman.
Février 1955. M. Choc décide de faire l’acquisition du manoir de Knightgrave, situé dans le nord-ouest de Londres. Même si on ne connaît pas ses intentions, on se doute que ce manoir à une très grande signification pour lui. Mais laquelle?
Il faut dire qu’avant la parution de cette nouvelle série (prévue en deux tomes), on ne connaissait pas grand-chose de cet antagoniste au visage toujours masqué. Pour nous raconter son histoire, les auteurs ont préféré utiliser la technique du retour en arrière.
On va alors découvrir l’histoire de la mère de M. Choc et l’enfance de ce dernier alors que sa maman était employée comme pâtissière chez un riche aristocrate. Premier constat : M. Choc n’a pas eu une enfance facile. En revanche, il ne nous semblait pas être un enfant prédisposé au crime. Il était très poli et pas du tout violent. Malheureusement, sa vie va basculer lorsqu’il tombera dans le piège d’un faux ami jaloux de lui.
Les retours en arrière ne sont pas forcément présentés dans un ordre chronologique. Toutefois, il y a une certaine logique dans leur présentation, si bien que le lecteur ne vient jamais à perdre le fil ou à être mélangé. Aussi, on nous livre beaucoup d’informations sur M. Choc, tout en sachant qu’on nous en garde pour le deuxième épisode.
Ceux qui n’ont jamais lu une aventure de Tif et Tondu ne savent tout simplement pas de quoi il est capable. Heureusement, la deuxième moitié de l’album sera l’occasion pour eux de découvrir toute l’étendue de son « talent ». En effet, la seconde partie de ce premier tome met en scène M. Choc alors qu’il tente de voler un bijou d’une valeur inestimable et de l’argent. À l’instar d’un certain Fantômas, il semble tout simplement avoir toujours une longueur d’avance sur les forces de l’ordre. Mais contrairement au personnage créé par Pierre Souvestre et Marcel Allain, celui-ci m’a semblé encore plus violent et se foutre complètement des dommages collatéraux.
Malgré sa violence extrême, on a de la difficulté à éprouver de la haine pour ce vilain. Ce n’aurait sûrement pas été la même chose s’il n’avait pas eu la même enfance. Encore une fois, il s’agit d’un homme qui n’a pas eu de chance dans la vie et qui est tombé sur les mauvaises personnes…
Maltaite a un joli coup de crayon. Son dessin est assez « classique », sans pour autant nous sembler démodé. Il restitue parfaitement les différentes époques. En même temps, il sait créer une aura de terreur et de respect autour du personnage principal. On n’a qu’à regarder la couverture pour s’en convaincre. Honnêtement, je trouve qu’il s’agit de l’un des plus « beaux » méchants de la bande dessinée européenne.
Verdict
Que vous connaissiez ou non M. Choc, ce premier tome signé Maltaite et Colman vous captivera du début à la fin par la finesse de son scénario et, bien sûr, par la carrure imposante de son personnage principal.
Choc, Tome 1 – Les fantômes de Knightgrave
Eric Maltaite (dessin) et Stéphan Colman (scénario)
Cote : 4,5 étoiles sur 5