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Critique cinéma : « Blackbird »

L’intimidation vue par un jeune
 
Il n’y a pas si longtemps, Jimmy Larouche nous avait offert l’excellent long métrage La cicatrice (vous pouvez d’ailleurs lire ma critique à ce sujet). Rappelons que dans ce film, le réalisateur québécois s’était intéressé aux répercussions à long terme que pouvait avoir l’intimidation sur une victime.
 
Blackbird aborde le sujet différemment. Il nous propose de vivre directement ce que peut ressentir un jeune qui se fait intimider par ses collègues de classe. En effet, Sean Randall (Connor Jessup) est un adolescent qui n’a pas beaucoup d’amis. Fervent adepte de la culture gothique, il porte des vêtements sombres, ce qui contribue à l’isoler davantage puisqu’il semble être presque le seul jeune fan de ce mouvement dans son école.
 
Malgré cela, une collègue de classe, la ravissante Deanna (Alexia Fast), lui montre de l’intérêt. N’étant pas insensible à ses charmes, Sean aimerait bien nouer des liens avec elle. Le seul problème, c’est qu’elle est la petite amie de l’un des membres de l’équipe de hockey de l’école qui, justement, fait partie des gens qui l’intimident quotidiennement.
 
Frustré par ce constat et incapable d’extérioriser ce qu’il ressent, Sean déverse sa haine par écrit sur son blogue en racontant une histoire sur la vengeance, comme on lui avait d’ailleurs recommandé de le faire. Rapidement, les autorités l’interpellent, l’accusant de vouloir répéter ce qui est arrivé à Columbine. Il se retrouve aussitôt dans un centre correctionnel pour jeunes. Du jour au lendemain, cette victime devient un monstre aux yeux des membres de cette petite communauté où tout le monde se parle.
 
Un film dur sur la souffrance humaine
 
Le film de Jason Buxton est assez difficile à regarder. Peu importe où il se trouve, on dirait que l’adolescent attire les intimidateurs. Il est le sujet constant de moqueries à l’école depuis on ne sait combien de temps. On pense que les choses vont se calmer lorsqu’il est envoyé derrière les barreaux, mais malheureusement, les choses s’enveniment. L’intimidation atteint un autre niveau et ses bourreaux sont cette fois-ci non pas des adolescents « normaux Â», mais de jeunes criminels en puissance.
 
Le pire, c’est qu’on se doute que jamais Sean n’aurait passé à l’action en se rendant à l’école dans l’espoir de tuer ses camarades avec des armes à feu. Il donne l’impression de n’être qu’une pauvre victime innocente qui en avait marre d’être constamment maltraitée.
 
Mais au lieu de lui venir en aide, les autorités ont décidé d’enfermer en cage le monstre qu’ils avaient créé. C’est vraiment dégueulasse.
 
Une histoire touchante
 
Je dois dire que j’ai ressenti beaucoup de sympathie pour ce jeune homme. On voit bien qu’il cache derrière sa carapace de dur un être au cÅ“ur tendre et sensible. Le film donne vraiment une vision très personnelle de l’intimidation. La caméra le suit constamment, si bien qu’on vient presque à ressentir sa souffrance.
 
Cependant, le réalisateur ne fait pas l’erreur de tomber dans le film moralisateur. C’est vrai qu’il nous offre un point de vue très subjectif sur ce sujet, mais il ne va jamais dans l’excès ni dans le sentimentalisme.
 
La véritable vedette de ce film est Connor Jessup. Dans le rôle-titre, il offre une prestation remplie de maturité et surtout bien dosée. Du début à la fin, il est juste dans son jeu et ne cherche pas à trop en faire. Il nous montre quelqu’un de calme et qui est, du moins en apparence, en contrôle de lui. Bref, je pense qu’il arrive très bien à recréer le rôle d’une victime.
 
Il est d’ailleurs plaisant de voir le personnage évoluer tout au long du récit. Cette dure expérience, même si elle va lui faire vivre un vrai calvaire, va contribuer à forger son caractère et à lui faire prendre conscience de plusieurs choses. Bien qu’être incarcéré est tout sauf thérapeutique, cela va lui permettre d’acquérir des outils pour mieux se défendre et faire face à la vie. Il va apprendre à la dure, comme on dit.

Néanmoins, je dois avouer que l’aspect de la guérison n’a pas beaucoup été abordé, ce que je trouve un peu regrettable. À la fin du récit, on a, en effet, l’impression qu’il manque un élément pour boucler complètement la boucle. On nous laisse sur notre faim. 

Un système carcéral traité sommairement

J’aimerais quand même préciser que Blackbird n’est pas un long métrage qui fait l’éloge du système carcéral canadien pour les jeunes. Bien au contraire. On se rend vite compte que c’est un milieu froid, dur et très encadré, mais qui, paradoxalement, n’offre aucun soutien psychologique pour les délinquants. Ne souhaite-t-on pas les réhabiliter?
 
Les gardiens et autres membres de la prison jouent un rôle par ailleurs vraiment modeste. Oubliez le sempiternel gardien cruel et méchant. Il n’y en a pas ici. L’action se concentre plutôt sur les jeunes prisonniers. On entre dans leur cercle intime, si bien qu’on vient presque à en oublier qu’ils sont dans un pénitencier. 
 
Globalement, le scénario se tient assez bien, même si le héros se déplace souvent d’un lieu à l’autre. Il n’y a pas vraiment de clichés, sauf celui de l’adolescente gentille dont le copain est un vrai salaud qui intimide le protagoniste.
 
Verdict
 
Blackbird nous présente un autre visage de l’intimidation, soit celui du principal intéressé : la victime. Tout comme La cicatrice, c’est un long métrage dur qui nous montre des gens souffrir. Même s’il est un peu moins intense que son homologue québécois et traite assez sommairement de la vengeance et de la guérison, ce film canadien réussit à bien nous sensibiliser sur ce sujet éprouvant. Tout cela est rendu possible grâce à la prestation convaincante de l’acteur principal. 
 
Cote : 3,5 étoiles sur 5 

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