« Comment faire fortune en juin 40 » ou comment revisiter la Deuxième Guerre mondiale
Philippe MichaudNous sommes en 1940. Les nazis sont aux portes de Paris. La Banque de France a évacué tous ses précieux lingots d’or loin du pays. Tous… sauf deux tonnes! Frank Popp, un ancien boxeur qui n’a cumulé que les défaites et qui s’est recyclé dans le cambriolage, apprend la nouvelle par l’un des gardiens chargés de protéger le trésor. C’est que la Banque de France compte transférer à Bordeaux le magot par fourgon blindé. Avec l’aide d’un truand, Ange Sambionetti, et d’autres complices, Franck va décider de monter un plan pour voler tout cet or. Mais la tâche s’annonce colossale! Il n’y a presque plus d’armes, de munitions, de véhicule et d’essence. Tout le monde est en train de fuir la Ville lumière!
La préparation du plan n’occupe cependant qu’une partie minime du récit de 120 pages. Rapidement, les auteurs nous précipitent dans le feu de l’action. On ne s’ennuie pas une seconde : des coups de feu par centaine, des explosions meurtrières et des courses poursuites folles.
En même temps, les scénaristes ont eu l’intelligence de mettre en scène des protagonistes puissants. Ils nous apparaissent, du moins, au début, comme des grosses brutes qui ne connaissent pas la définition du mot « subtile ». Mais en tournant les pages, on apprend à mieux les connaitre et à les apprécier. Ils cachent tous un petit quelque chose qui les rend subitement plus humains.
Le fait d’avoir campé l’action dans une France en pleine déroute est une excellente idée. C’est comme si les héros étaient devenus suicidaires. Après tout, ils ont déjà perdu leur pays, leur emploi et leur maison. Que peuvent-ils perdre de plus? En tout cas, ça change du cliché du voleur réfléchi et peureux.
Le scénario, inspiré librement de Sous l’aile noire des rapaces de Pierre Siniac, n’emprunte pas une « belle » ligne droite, comme dans beaucoup d’oeuvres d’action. Il revient en arrière, prend des courbes prononcées et sort même de la route. Bref, c’est une vraie boite à surprise qui nous étonne jusqu’à la toute fin. Et autant le dire tout de suite, certains membres de la bande de cambrioleurs risquent de ne pas en sortir indemnes…
Le dessin très expressif de Laurenet Astier est en symbiose totale avec le scénario. L’utilisation du flou et des contrastes dans les décors aide à mettre de l’avant les personnages. Néanmoins, l’illustrateur est capable aussi de nous charmer lorsque vient le temps de mettre en image des environnements urbains. Ses reconstitutions historiques de villages français sont particulières sublimes.
Verdict
Finalement, j’ai passé un très bon moment avec Comment faire fortune en juin 40. L’album, qui est aussi éclaté qu’un film de Tarantino, prouve qu’on a encore beaucoup d’histoires à raconter sur la Seconde Guerre mondiale.
Comment faire fortune en juin 40
Laurent Astier (dessin), Xavier Dorison et Fabien Nury (scénario)
120 pages
Casterman
Cote : 4 étoiles sur 5.